Étoile filante
Attablée dans le salon avec plusieurs livres de japonais précieusement disposés sur l'épais cercle de bois anthracite qui la supportait, ma fille s'adonnait avec un plaisir non feint à l'apprentissage délicat des Kana, confirmant un peu plus son appétence pour les langues étrangères.
Nous engageâmes alors la conversation qui glissa naturellement autour de ses exercices. Elle m'en expliqua leurs complexités et surtout leurs subtilités.
Je fus assez impressionné qu'elle en su déjà autant.
Enfin sans détour, je ne lui fit pas mystère de ma frustration de n'avoir pu faire son portrait depuis des mois et lui lâchât :
- Je peux te photographier ?
J’obtins à ma grande surprise son assentiment sans aucune difficulté, sans laïus interminable pour trouver un consensus.
Je laissais mourir les minutes les unes après les autres, calé dans ma chaise, sans rien faire sinon laisser mon esprit s’engluer dans des considérations à plusieurs inconnues.
L’aube avait déjà gommé les ténèbres de la nuit et englouti ses secrets qui, souvent l'accompagnent. La lumière cependant encore pudibonde conférait à la pièce un visage fantasmagorique comme un tableau dans la pénombre privée de semblance.
Le « dong » tonitruant du (re)-démarrage de mon Mac déchira le silence, me supplicia le coeur et interrompu mes élucubrations mentales.
La mise à jour de mon ordinateur enfin consommé, je pus me lancer dans les devoirs que je m’étais assigné la veille.
Je pris licence pour apostropher par une épitre numérique le CH de Vienne, leur faisant part de ma stupéfaction pour ne pas dire de ma colère, que ledit hôpital soit dépourvu de banc pour s’assoir.
La résilience ne peux et ne doit se substituer au bon sens, à défaut, les croyances subordonneront toujours les faits.
Nous savons malheureusement que trop bien à quelles extrémités cela peut mener.
L’ironie du sort voulu qu’ensuite, je commis deux, trois coups de téléphone pour finaliser mes prochains rendez-vous à l’hôpital...
J’eus loisir ensuite de me replonger dans ma lecture du moment.
Absorbé depuis une bonne trentaine de pages par les mots d’Emile Brontë, j’alternais gorgées de café et bouffées de vapeur, quand elle vint m'interpeller tout sourire, pour quelque chose dont je l'avoue, j'ai oublié la nature.
L’espace d’un instant, je vis un astre qui me dilata la rétine !
Non un perdu aux confins de notre galaxie que le regard effleure sans vraiment le distinguer des autres, mais plutôt un soleil olympien régnant sur son système sans pareille.
J'eu aimé que cette seconde dure un siècle tant mon amour me brulait délicieusement le sang, éprouvant mon coeur de la plus douce des manières qu'il fut.
J'eu aimé que cette seconde dure un siècle tant mon amour me brulait délicieusement le sang, éprouvant mon coeur de la plus douce des manières qu'il fut.
Je me gardai cependant de lui avouer ma subjugation, mais avais déjà pour dessein de la photographier.
Entreprise bien plus incommode qu’avant, tant ma belle se montre désormais rétive à être soumise aux caprices de mon objectif.
L’innocence de l’enfance étant souvent balayée par la rectitude de l’adolescence, je décidai d'être patient et prompt à agir si d’aventure une concorde se présentait.
Attablée dans le salon avec plusieurs livres de japonais précieusement disposés sur l'épais cercle de bois anthracite qui la supportait, ma fille s'adonnait avec un plaisir non feint à l'apprentissage délicat des Kana, confirmant un peu plus son appétence pour les langues étrangères.
Nous engageâmes alors la conversation qui glissa naturellement autour de ses exercices. Elle m'en expliqua leurs complexités et surtout leurs subtilités.
Je fus assez impressionné qu'elle en su déjà autant.
Enfin sans détour, je ne lui fit pas mystère de ma frustration de n'avoir pu faire son portrait depuis des mois et lui lâchât :
- Je peux te photographier ?
Sa réponse fut simple et limpide :
- Oui !
- Oui !
J’obtins à ma grande surprise son assentiment sans aucune difficulté, sans laïus interminable pour trouver un consensus.
Coiffée avantageusement d'un bonnet rouge à grosse maille qui laissait échapper les longues boucles dorées de sa chevelure, elle prit place face à la fenêtre qui diffusait une lumière douce et continue sur son visage.
Mon 85 mm sur mon boitier, installé sur le canapé, je me concentrai sur mon sujet.
Mon 85 mm sur mon boitier, installé sur le canapé, je me concentrai sur mon sujet.
Je fis une première photo pour parfaire mes réglages, j’ouvris à fond ( f/1.8 ), ramena les ISO à 200 et la vitesse à 1/100s.
Encline à mes demandes, son regard ne fut pas spécieux, mais doux et caressé d'une pointe de rêverie.
Je fis de mon mieux pour en saisir la substance, un fragment et tenter finalement de capturer une particule de son âme.
Encline à mes demandes, son regard ne fut pas spécieux, mais doux et caressé d'une pointe de rêverie.
Je fis de mon mieux pour en saisir la substance, un fragment et tenter finalement de capturer une particule de son âme.
Une vingtaine de clichés plus tard, elle disparue avec ses livres telle une étoile filante, aussi vite qu’elle m’apparût quelques minutes auparavant.
Je ne put réprimer un mélange de fierté et de gratitude envers elle, laissant sans fard l'aliénation des liens du sang officier.
Son simple don que d’aucuns pourraient considérer comme mineur, un pas grand chose ou un petit rien, pris pour moi sans doute possible, une valeur majeure.
Le dernier Waters diffusait à présent ses pépites, le soleil pourtant bien loin d'être à son zénith allumait le salon, les fantômes avaient fui depuis longtemps.
Moi assis de nouveau sur ma chaise de bureau, la tête dans mes étoiles, un peu à la marge du monde, je savourai ce bonheur indicible d'être père.
Le dernier Waters diffusait à présent ses pépites, le soleil pourtant bien loin d'être à son zénith allumait le salon, les fantômes avaient fui depuis longtemps.
Moi assis de nouveau sur ma chaise de bureau, la tête dans mes étoiles, un peu à la marge du monde, je savourai ce bonheur indicible d'être père.