17/07/2017


                                                                La reine ( sans royaume )

" Vouloir c'est susciter les paradoxes ",  disait Albert Camus dans son essai Le Mythe de Sisyphe. Cette photo en est pour moi la parfaite illustration si j'ose dire.

Lyon, samedi 1er juillet. Les filles et moi avions posé nos peu de bagages dans l'appartement loué pour le weekend. L'aîné lui, était dans la file d'attente de l'Auditorium pour assister à la ZrT Trackmania Cup, une compétition très réputée de "gamer". La foule présente préfigurait sans équivoque de l'importance de l'événement annuel.
Le parc de la Tête d'Or étant concomitant de la cité international où nous avions élu demeure, nous décidâmes d'y aller avec appétit. 
Calé comme un prince dans mon fauteuil, ma femme en chauffeur de luxe et ma fille sautillante comme montée sur ressort, nous étions prêts. 
Nous partîmes tranquillement.
En ce premier jour de juillet, l'air était humide et le ciel chargé de gros nuages noirs cotonneux ressemblait plus à un avatar échappé d'un interstice d'octobre, gommant miraculeusement les chaleurs caniculaires des jours précédents et éteignant momentanément le soleil.

Bien qu'il fût très grand, le parc n'en est pas moins avantageusement arboré. Parmi d'autres, mais sûrement les plus remarquables, de magnifiques cèdres du Liban, reconnaissable à leur forme caractéristique nous accompagnèrent jusqu'au zoo, point central de notre promenade.
Zèbres, crocodiles, girafes et autres primates de toutes tailles ne manquèrent pas d'aiguiser notre acuité visuelle et la lentille de mon appareil photo.

Depuis tout petit, j'ai une fascination non cachée pour les félins en général et pour les lions en particulier. 
N'étant que peu enclin à démontrer que mon signe astrologique en soit une des raisons, l'extraordinaire beauté de l'animal, sa force singulière et son implacable férocité en sont des explications bien plus valables.
Si tant est bien sûr que l'on considère qu'il faille une justification à l'explication d'une émotion...

Après avoir passé un bon quart d'heure devant une magnifique Panthère de l'Amour et son regard saillant malgré la vitre qui nous séparait d'elle, l'écho du rugissement d'une lionne à n'en point douter,  nous interpella par sa vigueur.
Il nous rappela son rang, celui d'une reine !
Les quelques centaines de mètres qui nous séparaient de l'enclos du carnivore furent vite avalées.

Paisiblement allongée, fidèle à cette légendaire indolence que leur posture semble leur donner, elle était là. Je la devinais, maître de sa prison dorée, sans proie, sans danger, sans vie.

Là réside pour moi ce terrible paradoxe qui à chaque fois me tord le ventre. N'ayant jamais eu le privilège d'aller en Afrique subsaharienne pour m'en émerveiller, je suis contraint de seulement les contempler à travers des cages, des vitres et des enclos.
Autant dire une négation de la vie sauvage, un ersatz, une miette, une injure au bon sens et à l'essence même de l'existence de ces animaux.
Observer ces fauves sans royaume m'emplit donc d'une immense tristesse, mais je ne peux m'empêcher d'apprécier ce fabuleux spectacle.

Les lions font recette ! Il y à plus de deux mille ans, les Romains l'avaient bien noté... La foule amassée à l'orée du domaine trop petit du félidé en attestait si besoin était.
Avantageusement placé, après quelques instants d'attente, je bloquais les freins de mon fauteuil et me levai. 
Aussitôt un petit frisson traversa mes chairs. Le monstre me faisait face.
Loin d'avoir un regard acrimonieux, la lionne considérait cependant son auditoire avec insistance. Je la trouvais magnifique et majestueuse, une reine de beauté.

je regrettai quelques instants les seuls 105mm de ma focale et déclenchai néanmoins en rafale comme un furieux.
Nous restâmes un certain temps. Je n'usai plus mon âme dans ses contradictions anxiogènes, un doux sentiment de gratitude m'enveloppa, repoussant bien loin toute forme de procès.

Bien que le soleil fût toujours absent, un astre irradiât par sa seule beauté ce petit bout du monde.
En cette fin d'après-midi, là demeurait bien l'essentiel...

03/07/2017


                                                              Valdemar