Seul
Le manque d’oxygène me brûlait les poumons, mais étrangement cet air manifestement vicié n’affectait pas ma respiration.
Assis sur le fer froid de ce qui s’apparentait être un fauteuil en forme de croix où des lambeaux de tissus rouge délavés pendouillaient, j’avais bien du mal à trouver une assise acceptable.
Sont-ce les années, où peut être les centaines voire les milliers de culs avant le mien qui avaient dégénéré à ce point cette place ?
Était-ce une allégorie de notre humanité avec ses plaies purulentes, dont si la matrice n’est pas refondée va aux devant de trouble systémique incommensurable et peut-être définitif ?
J’essayais en vain de décoder le lieu où j’étais et surtout pourquoi je m’y trouvais.
Étais-je dans une pièce, où bien en extérieur ?
Je ne pouvais le dire, le comprendre, comme si la nature récusait l’endroit et les mots s’interdisaient de nommer pareil théâtre.
Conjectures et certitudes se confondaient.
Tout n’était que grises béances autour de moi, le temps était comme absent, je ne pouvais l’estimer.
Quelle heure était-il ?
Les secondes avaient-elles été avalées par les minutes puis digérées par les heures, qui elles-mêmes furent recyclé en jours ?
La nuit avait-elle effacé le jour ?
Ce cycle immuable était-il d’ailleurs toujours d’usage ?
Me sera-t-il donné de voir à nouveau le soleil enflammé le ciel au-delà de toute beauté, où ces instants tenant presque de l’homérisme se voudraient devenir éternels ?
Y-avait-il seulement quelque chose de normal, difficile à dire.
Point de temporalité, aucun stimulus, rien, seul le néant pour s’accrocher, estimer, composer, interpréter.
Proprioception à zéro, comme si mon sixième ne pouvait plus être.
Une faille spatio-temporelle semblait m’avoir aspiré.
Était-il donc plausible que les travaux d’Einstein et d’Hawking théorisant l’existence d’univers parallèles fussent vrais et mon double s’y trouvait habité par ma conscience originelle ?
J’avais sérieusement de quoi éprouver ma cosmologie.
J’eus aimé, parler, crier, hurler mais aucun son ne prenait vie, même les borborygmes m’étaient
interdits.
Ce manque total de repères, même le plus infime qui soit était surement la cause de l’atonie générale dont j’étais prisonnier.
J’avais la gorge aussi asséchée qu’une rivière dont la source serait à jamais tarie, accompagné d’un arrière-goût métallique désagréable au possible.
Je me serais damné pour un verre d’eau et une cuillère de miel d’amorpha pour conjurer cette malaisance.
Peut-être l’étais-je déjà, damné pour des raisons sales qui m’était propre ?
Punis pour des errances oniriques peu avouables, où se mêlaient le sang, le meurtre, le mensonge et la pornographie, coupable d’y toujours y penser et de n’en parler jamais ?
Étais-je là au tribunal ?
Où donc étaient mes juges, le procureur et mon avocat dans ce cas ?
De quoi d’ailleurs, j’étais accusé exactement ?
Mes rêves étaient-ils soumis comme mes pensées à la loi ?
Voulait-on que je me repente, si oui, ma rédemption, si là était l’objet de mon étrange condition serait-elle soumise à une sentence ?
Si ma destinée fut d’être là maintenant pour des raisons qui m’échappaient, était-ce du hasard ou la conséquence de certains de mes choix antérieurs ?
Avais-je tort d’avoir raison trop tôt ?
Ses interrogations métaphysiques cannibalisaient mes pensées.
J’eus tellement aimé que quelqu’un, voire quelque chose, me donne audience pour comprendre tout cela ou a minima avoir ne serait-ce qu’un fragment d’éclaircissement.
Cette exégèse put-être un fil d’or auquel m’accrocher et éprouvant ma sagacité entrevoir la lumière.
Mais, Je restai seul, perdu, personne au bout du fil pour me répondre, seul face à ces questions, sans la possibilité de réponses et d’y agrémenter une nuance au besoin.
Rien, le vide, le silence, pesant de tout son poids comme pour me contraindre.
Seul, seul avec une assise hors d’âge pour tout compagnon…
La photo : j'ai tout de suite pensé à la chanson d'Higelin, Mona Lisa Klaxon.
RépondreSupprimerL'isolement dans "une île entourée de crocodiles et de fantômes". Et l'importance du téléphone, du contact, du lien.
Ne pas être seul.
S'asseoir face à la mer et respirer l'odeur de l'iode, s'en mettre plein les narines mais surtout être seul. Pour moi le confinement ça me plaisait bien à ceci près que j'aurais aimé qu'il n'y ait pas autant de victimes de cette saleté de virus mais pour retrouver un air moins pollué, le mer, le vent, les vagues qui roulent, j'aime être seule. Je me retrouve un peu quelque part dans ton texte et pour la photo évidemment, j'aime. Les poses longues que je fais peu sont souvent superbes.
RépondreSupprimerBonne journée Pascal